Dans cette interview exclusive sur le CryptoDaily, Jonathan Herscovici, fervent défenseur de Bitcoin, fondateur de WeSave, CEO de StackinSat, et créateur de l'événement Surfin’ Bitcoin, partage son parcours, sa vision de Bitcoin, et ses réflexions sur l'adoption, la régulation et les défis liés à l'organisation d'événements.
Voici la retranscription de cette ITW
Q : Tu as publié un post sur LinkedIn intitulé "Bitcoin est inutile". Peux-tu expliquer ce titre accrocheur ?
Le titre visait à susciter l'intérêt et le débat. L'idée derrière ce post est que l'utilité de Bitcoin dépend de la zone géographique. En Europe et aux États-Unis, Bitcoin est principalement perçu comme une réserve de valeur. Cependant, dans des régions comme le Salvador et le Nigéria, Bitcoin est utilisé comme une monnaie quotidienne pour pallier les défaillances des systèmes financiers locaux. Ce titre provocateur était donc une façon d'attirer l'attention et d'engager une discussion sur les différentes utilisations et perceptions de Bitcoin à travers le monde.
Q : Est-ce que Bitcoin est facile à utiliser pour tout le monde ?
L'utilisation des portefeuilles Bitcoin peut être complexe, surtout pour les personnes moins familiarisées avec la technologie, comme ma mère. Cependant, dans les régions où les problèmes économiques sont graves, les gens trouvent des moyens d'adopter Bitcoin. Au Salvador, par exemple, le gouvernement a créé le portefeuille Chivo pour simplifier l'utilisation de Bitcoin, bien que ce soit controversé parmi les puristes de Bitcoin. La facilité d'utilisation dépend donc en grande partie du contexte et des besoins spécifiques de chaque utilisateur.
Q : Bitcoin doit-il être révolutionnaire et anti-systémique ?
Les différentes utilisations de Bitcoin vont se développer naturellement. Il est essentiel d'écouter les besoins du marché et de laisser les gens choisir comment ils veulent utiliser les innovations, plutôt que d'imposer une méthode spécifique. Certains utilisateurs peuvent voir Bitcoin comme une révolution anti-systémique, tandis que d'autres peuvent l'utiliser principalement comme une réserve de valeur ou un moyen d'échange. L'important est de permettre cette flexibilité et de s'adapter aux différentes façons dont les gens veulent utiliser Bitcoin.
Q : Pourquoi les acteurs les plus influents de Bitcoin viennent-ils de pays qui n’en ont pas besoin ?
Les pays occidentaux voient principalement Bitcoin comme une réserve de valeur, contribuant ainsi à la liquidité et au volume global de l'écosystème Bitcoin. Bien que cela s'éloigne des caractéristiques principales de Bitcoin, l'arrivée massive de liquidités est globalement positive. Les acteurs de ces pays jouent un rôle crucial en renforçant l'écosystème Bitcoin, même si leur usage diffère de celui envisagé dans des régions où Bitcoin est utilisé comme une monnaie quotidienne pour résoudre des problèmes économiques urgents.
Q : Quel est ton avis sur les procédures de vérification d'identité (KYC) pour acheter du Bitcoin ?
Les procédures de vérification d'identité (KYC) suscitent des sentiments mitigés. En tant que Bitcoiner, cela semble contraire aux valeurs de Satoshi. Cependant, en tant qu'entrepreneur, il est nécessaire de protéger les consommateurs et de se conformer aux réglementations. StackinSat a, d’ailleurs, fait partie des toutes premières sociétés enregistrées PSAN en France. Bien que cela rajoute de la friction pour les utilisateurs, c'est une pratique standard dans les services financiers et elle vise à protéger les consommateurs.
Q : Les acteurs influents des pays occidentaux posent-ils un problème d’adoption de Bitcoin ?
L'adoption de Bitcoin comme monnaie prendra du temps, même dans des pays comme le Salvador. Les gens sont habitués aux monnaies fiduciaires depuis des décennies, ce qui rend le changement de paradigme difficile. Cependant, les acteurs influents des pays occidentaux, en renforçant la liquidité et le volume de l'écosystème Bitcoin, jouent également un rôle crucial dans sa diffusion et son adoption globale, même si leur usage diffère de celui envisagé dans les régions où Bitcoin est utilisé comme une monnaie quotidienne.
Q : Que penses-tu de la déconnexion entre le prix des événements Bitcoin et les personnes qui en ont besoin ?
Le prix des billets pour Surfin’ Bitcoin a suscité des critiques. Pour répondre à cela, nous avons réduit les prix de 30 à 40 % et introduit des journées thématiques pour permettre aux participants de choisir les sessions qui les intéressent le plus. L'événement est conçu pour être accessible, avec des réductions pour les achats anticipés et des codes promo disponibles.
Q : Comment rendre Surfin’ Bitcoin plus accessible ?
Pour rendre l'événement plus accessible, une journée gratuite pour le grand public a été réintroduite. Cette journée vise à vulgariser et démocratiser Bitcoin avec des conférences accessibles à tous.
Q : Les bitcoiners sont-ils trop exclusifs ?
Il faut bien comprendre que je suis un Bitcoiner. Dans mon bagage, j’ai 99 % de Bitcoin. J'ai effectivement un peu d’Ethereum que j'avais acheté il y a très longtemps, mais je suis principalement concentré sur Bitcoin. En tant que chef d’entreprise et entrepreneur, je cherche à satisfaire un marché. Au fur et à mesure des années, nous avons constaté que le marché avait besoin de parler d’un peu plus de crypto. Nous avons donc gardé notre ADN et notre colonne vertébrale Bitcoin, mais nous nous sommes un peu ouverts à d’autres sujets. Nous n’avons pas parlé de toutes les crypto-monnaies, mais nous avons abordé des sujets liés au business, comme les stablecoins, qui sont incontournables pour les professionnels. Cette année, nous aurons également une keynote sur l’euro numérique. Nous parlons de ces sujets pour débattre et informer, car il est essentiel de devenir intelligent en écoutant différents points de vue.
Q : As-tu une définition du Web 3 ?
Honnêtement, je n'ai pas de définition précise du Web 3. Pour moi, c'est un terme un peu fourre-tout et parfois vide de sens. Il semble que le terme soit moins utilisé qu'il y a un an, mais il est encore présent dans certaines discussions. En fin de compte, le Web 3 peut signifier différentes choses pour différentes personnes, mais je pense qu'il manque encore de clarté et de consensus sur sa véritable signification et son application pratique.
Q : T’intéresses-tu à d’autres projets crypto ?
Principalement, je suis concentré sur Bitcoin. Avec StackinSat et Surfin’ Bitcoin, il y a déjà tellement d'innovations et de choses à comprendre sur Bitcoin que je n'ai pas le temps de m'intéresser à d'autres projets crypto. Bien que ma curiosité entrepreneuriale pourrait me pousser à explorer d'autres domaines, pour l'instant, je suis largement satisfait avec Bitcoin.
Q : Que penses-tu de Starkware, sponsor de Surfin’ Bitcoin ?
Starkware travaille sur des innovations liées à Bitcoin, notamment en rendant la blockchain Bitcoin plus scalable avec des solutions comme les zk-rollups. C'est pourquoi leur participation à Surfin’ Bitcoin est alignée avec notre colonne vertébrale Bitcoin. Je suis très curieux d'entendre leurs présentations et de voir comment leurs développements peuvent contribuer à l'écosystème Bitcoin. Leur travail est pertinent et innovant, et nous sommes heureux de les avoir comme sponsors.
Q : Comment aimerais-tu voir l’évolution de Bitcoin dans 5 ans ?
Dans cinq ans, j'aimerais voir davantage de pays adopter Bitcoin comme monnaie légale ou au moins défiscaliser son utilisation pour les transactions quotidiennes. Aujourd'hui, en France, chaque achat en crypto est considéré comme un événement taxable, ce qui complique son adoption comme moyen de paiement. J'espère également voir une adoption plus large et une utilisation plus facile de Bitcoin comme monnaie, avec des outils et des interfaces utilisateurs plus adaptés au grand public. Mon rêve serait qu'un pays occidental fasse ce pas en avant et serve de modèle pour d'autres.
Q : Quel est ton avis sur la régulation de Bitcoin ?
La régulation doit être intelligente et non contre-productive. Par exemple, certaines régulations comme l'interdiction des stablecoins tels que l'USDT en Europe peuvent être perçues comme une barrière à l'entrée pour certaines entreprises. Cependant, la régulation vise également à protéger les consommateurs et à apporter de la légitimité au secteur. Il est crucial que la régulation soit équilibrée, en permettant l'innovation tout en offrant des protections adéquates aux utilisateurs. En tant qu'acteurs du marché, nous devons aussi jouer un rôle en collaborant avec les régulateurs pour trouver des solutions qui bénéficient à tous.
Q : Peux-tu nous parler de WeSave, ta première startup que tu as revendu en 2019 à Amundi ?
WeSave a été fondé pour digitaliser la gestion de patrimoine. Nous étions parmi les premiers en France à proposer des produits d'assurance-vie à travers des ETF. Nous avons ensuite diversifié nos services pour offrir une plateforme complète de gestion de patrimoine, incluant des conseils en allocation d'actifs. En 2019, WeSave a été vendu à Amundi, le numéro un de la gestion d'actifs en Europe. Cette expérience m'a permis de me lancer dans l'écosystème blockchain avec une solide compréhension des marchés financiers et de l'innovation technologique.
Q : StackinSat, c’est quoi ?
StackinSat est un courtier "Bitcoin Only", dont l'objectif est de faciliter l'achat de Bitcoin pour les Français et les Européens. Nous nous concentrons sur une stratégie d'épargne récurrente (DCA), qui consiste à acheter régulièrement de petites quantités de Bitcoin. Cela permet de lisser le point d'entrée et de réduire la volatilité du placement. Contrairement aux plateformes de trading qui promettent des gains rapides, StackinSat met l'accent sur une épargne à long terme, en incitant les utilisateurs à investir de manière régulière et patiente pour leur avenir financier.
Q : Comment fonctionnent les frais sur StackinSat ?
Le modèle de frais de StackinSat est simple et transparent. Pour les livraisons directes de Bitcoin sur votre propre adresse, nous prenons une commission de 1,5 %. Si vous choisissez de conserver vos Bitcoins dans notre coffre-fort sécurisé, la commission est de 2,5 %. Nous offrons également un plan premium pour les utilisateurs réguliers : avec le Premium 100, vous payez 100 € de frais et pouvez investir jusqu'à 10 000 € sans frais supplémentaires, ce qui revient à 1 % de frais. Avec le Premium 500, vous payez 500 € de frais pour investir jusqu'à 100 000 €, réduisant ainsi les frais à 0,5 %. Ces options permettent de réduire les coûts de transaction pour les utilisateurs engagés sur le long terme.
Q : Y a-t-il des nouveautés à venir sur StackinSat ?
Oui, nous travaillons sur des fonctionnalités innovantes qui seront totalement nouvelles en France. Ces nouveautés sont inspirées de services existants aux États-Unis. Bien que je ne puisse pas donner de détails précis pour le moment, j'espère pouvoir annoncer ces développements en 2025. Ces nouvelles fonctionnalités viseront à améliorer l'expérience utilisateur et à offrir des options supplémentaires pour nos clients.
Q : Est-ce difficile d’organiser un événement comme Surfin’ Bitcoin ?
Oui, organiser Surfin’ Bitcoin est un défi, surtout en ce qui concerne la rentabilité. L'événement nécessite un budget de plusieurs centaines de milliers d'euros, et il faut trouver des partenaires et des sponsors chaque année pour assurer sa viabilité financière. Le stress lié à la rentabilité est l'un des principaux défis, car nous devons couvrir tous les coûts tout en essayant de rendre l'événement accessible et intéressant pour les participants. Malgré ces défis, l'organisation de cet événement est également une grande opportunité de reconnecter avec le marché et de faire avancer la communauté Bitcoin.
Q : Combien de personnes sont impliquées dans l'organisation de Surfin’ Bitcoin ?
L'organisation repose sur une petite équipe de cinq à six personnes, principalement des freelances embauchés pour la période de préparation de l'événement de février à septembre afin de valoriser la marque Surfin’ Bitcoin propriété de StackinSat. Mon associé Joss et moi-même jouons un rôle clé dans la recherche de partenaires et la définition du contenu. Nous mettons beaucoup de notre temps et de notre énergie dans cet événement pour nous assurer qu'il soit un succès et qu'il réponde aux attentes de la communauté Bitcoin.
Q : Combien de speakers sont attendus cette année à Surfin’ Bitcoin ?
Cette année, nous aurons un peu plus de 40 speakers. C'est moins que les années précédentes car nous avons décidé de ne pas conserver la scène anglophone pour nous concentrer sur le public francophone et optimiser le contenu de l'événement. Cette réduction permet de mieux gérer les conférences et de proposer des interventions de haute qualité adaptées à notre audience principale.
Q : Pourquoi ne pas garder la scène anglophone ?
Malgré des investissements importants pour attirer des speakers internationaux, la scène anglophone n'a pas attiré autant de participants que prévu. En 2022 et 2023, nous avons constaté que les participants anglophones ne venaient pas en nombre suffisant, et les francophones préféraient assister aux conférences en français ou participer aux workshops. Pour optimiser l'expérience des participants et mieux répondre à leurs attentes, nous avons décidé de nous concentrer sur la scène francophone cette année.
Q : Quel est le programme de Surfin’ Bitcoin cette année ?
Le programme de Surfin’ Bitcoin 2024 inclut des journées thématiques dédiées aux professionnels et aux bitcoiners. Les 29 et 30 août seront consacrés aux professionnels, avec des conférences sur des sujets tels que la régulation, l'institutionnalisation du Bitcoin, et les innovations technologiques. Parmi les speakers, on retrouve des personnalités comme Charles Gave, Jean-Marc Daniel, Christian Raul de MasterCard, et Abdel Bakhta de Starkware. La journée gratuite du 28 août sera dédiée au grand public, avec des conférences et des ateliers visant à vulgariser et démocratiser Bitcoin. Nous aurons des interventions sur les bases de Bitcoin, la conservation de ses cryptos en self-custody, et la diffusion du documentaire "Crypto, mon incroyable Odyssée" suivi d'un débat. L'objectif est de rendre Bitcoin accessible à tous et de favoriser l'éducation et l'information sur ce sujet.